Le 28 avril, en exécution d’un mandat d’arrêt international datant de plusieurs dizaines d’années, la police a arrêté au petit matin 7 réfugiés italiens résidants en France depuis le début des années 1980. Ces militants étaient recherchés pour des faits commis pendant les « années de plomb », jugés par contumace en Italie, sur la base, notamment d’aveux et de déclarations extorqués aux « repentis ». Ils vivaient sans se cacher en France, en situation régulière, bénéficiant d’accords passés entre la France et l’Italie sous la présidence de François Mitterrand, qui s’était engagé à ne pas extrader de militants qui n’auraient pas commis de « crimes de sang ».
Ce que l’on a appelé « la doctrine Mitterrrand », et qui avait pour but de contribuer à l’amnistie et à la réinsertion de ces militants, dans un esprit de réconciliation politique, est aujourd’hui foulée aux pieds par le gouvernement Macron qui obtempère aux demandes qui lui avaient été présentées par le gouvernement du néo-fasciste  Matteo Salvini il y a près de deux ans et renouvelées ces dernières semaines par le gouvernement de Mario Draghi.  Sans qu’aucun fait nouveau ne vienne justifier une telle précipitation, la décision française de réétudier ces demandes d’extradition et d’arrêter ces exilés répond en fait un besoin cynique d’affichage politique. Affichage de l’unité franco-italienne dans la construction d’une Europe sécuritaire, affichage d’une soi-disant détermination « anti-terroriste » qui entretient une savante confusion entre les actes militants (quel que soit l’opinion que l’on en aie aujourd’hui) d’une période révolue de l’histoire politique et sociale italienne et les actions terroristes récentes qui ont récemment touché notre pays. Dans la logique sécuritaire qui est la sienne, le gouvernement tente de donner des gages à la droite et à l’extrême-droite et d’allumer un contre-feu face à l’indignation soulevée par la tribune récente des militaires factieux.
Nous partageons ci-après le communiqué de l’organisation politique  italienne Rete dei Comunisti, partie prenante de Potere al Popolo, publié ce vendredi 29 avril.
L’Union Européenne est le tombeau du droit.
L’étroite collaboration italo-française qui a conduit à l’arrestation de 7 camarades résidants depuis longtemps en France, est un énième saut dans le gouffre de la civilisation juridique européenne. C’est l’affirmation de l’annulation des garanties résiduelles du droit des États membres de l’EU. Un saut qualitatif qu’on avait déjà vu avec le vote à Bruxelles pour lever l’immunité parlementaire aux eurodéputés catalans exilés dans différents pays européens, impliqués dans la lutte indépendantiste; avec le silence complice des institutions européennes pendant la grève de la faim et de la soif du prisonnier politique Dimitris Koufodinas en Grèce, privé de ses droits élémentaires de détenu; avec la volonté obstinée de la France de ne pas accorder la liberté, bien qu’il y en existe depuis longtemps toutes les conditions préalables, à George Ibrahim Abdallah, communiste libanais prisonnier de la cause palestinienne, l’un des plus anciens prisonniers politiques détenus dans l’Hexagone et dans le monde entier. Enfin, l’attitude essentiellement lâche de l’UE, malgré l’indignation de façade, à l’égard du régime turc qui, entre autres, veut rendre illégal le plus grand parti politique d’opposition, le HDP.
L’Union européenne est prête à soulever la question des droits de l’Homme pour ses propres fins en politique étrangère, mais elle est incapable de les respecter à l’intérieur de ses propres frontières. Même pour les plus sceptiques, il est clair que le processus d’intégration européenne fait assumer de plus en plus au continent un double profil : un Léviathan, du point de vue juridique, et un technocrate, du point de vue politique. Un Janus à deux visages, qui a la sensibilité du Bourreau pour la justice humaine et le cynisme de ces “coupeurs de têtes” qui mettent le profit avant la vie des personnes. La preuve en est la gestion criminelle de l’épidémie de Covid-19 et la genuflexion face aux intérêts de l’industrie pharmaceutique en ce qui concerne les vaccins.
Dans ce contexte, la volonté de vengeance de l’État italien a été satisfaite avec les 10 mandats d’arrêt de l’Opération “Ombres Rouges”, pour des faits qui sont, de plus, proches de la prescription. Macron veut supprimer l’engagement pris par l’ancien président français Mitterrand en 1985 et jusqu’ici garanti par les gouvernements successifs : ne pas extrader les militants italiens condamnés en Italie, dans des procès qui ne respectaient pas les exigences minimales de la civilisation juridique. Des procès qui étaient le résultat d’une “guerre de basse intensité” que l’État italien a mené contre le mouvement de classe et révolutionnaire dans notre pays. Une véritable guerre “de basse intensité” qui a fait appel à la “stratégie de la tension”, la violence policière contre les manifestants, l’usage systématique de la torture, la détention dans des prisons spéciales et des procès construits sur des hypothèses judiciaires basées sur les déclarations des “pentiti” [les repentis du mouvement révolutionnaire] avec des condamnations par contumace. Ceux qui,  aujourd’hui invoquent la potence, utilisant les victimes de la violence politique mûrie dans ce contexte, doivent se rappeler la longue traînée de sang qui, depuis l’après-guerre, a caractérisé l’action des différents appareils d’Etat, dans un pays où les plus élémentaires conquêtes politiques, sociales et civiles ont été obtenues au prix d’une hécatombe. L’arsenal législatif volumineux et le gigantesque appareil répressif hérité du fascisme par notre République, mis en œuvre grâce aux différentes législations d’urgence durant les années ‘70, n’a jamais été abandonné. Et aujourd’hui encore, ceux qui s’opposent sous différentes formes à la situation actuelle en font l’expérience, dans un contexte où le conflit social est devenu un crime tout court.
Nous estimons qu’une large amnistie pour les crimes politiques et sociaux est la seule voie possible pour briser cette cage du «droit de l’ennemi» dans laquelle les années 70 ont été emprisonnées et dans laquelle notre pays veut emprisonner la lutte des classes.
Dans les 48 heures qui suivent l’arrestation, la Cour d’Appel de Paris devra statuer sur le placement en détention ou sur la remise en liberté sous contrôle judiciaire des camarades. Ensuite, la justice française analysera les demandes d’extradition italienne. L’avocate Irène Terrel, qui suit la situation depuis longtemps, parle explicitement de “trahison” de la France qui leur a accordé l’asile.
NON À L’EXTRADITION DES CAMARADES ARRÊTÉS !
AMNISTIE POUR LES CRIMES POLITIQUES ET SOCIAUX
LUTTER ENSEMBLE