Des objectifs conjoncturels à cet acharnement à poursuivre la destruction de l’assurance chômage :
accentuer la pression sur les salaires, répondre aux difficultés de recrutement qui pourraient remettre en cause – même un peu – 30 ans de réformes libérales…

En s’attaquant aujourd’hui aux chômeurs et aux chômeuses, le pouvoir répond à l’angoisse de la revendication salariale qui saisi le Capital. Les grèves pour les salaires se multiplient, amplifiées par la hausse des prix. Les experts se répandent dans les médias pour dramatiser les risques d’inflation liés à des demandes d’augmentation déraisonnables de salaire. Pour les possédants il ne saurait être question de partager entre salaires et profits la hausse des prix, et l’inflation est un moyen supplémentaire de baisser la part des salaires. Il ne saurait être question de renoncer à un partage des richesses défavorables au travail. Face à ce qui apparaît avec la reprise post covid comme reprise de la croissance, le patronat craint une modification du rapport de forces qui avait dominé dans la période précédente : il exige donc de l’État des mesures de protection de ses intérêts mis à mal par le « marché du travail libre et non faussé ». Le freinage des augmentations du SMIC ne suffit pas, le chômage devient un outil stratégique essentiel pour peser sur les salaires avec une armée de réserve toujours massive et de plus en plus mal traitée. De plus, le gouvernement mise sur l’isolement des chômeurs et leur disqualification aux yeux des autres qui en fait le maillon faible des remises en cause des droits de toutes et tous.

Sans parler de « grande démission » qui remettrait en cause le Capital, ce dernier doit faire face à une crise des recrutements pour partie conséquence du confinement et de ses effets. Bien sûr, cette crise n’est pas généralisée, mais elle ne peut se réduire à son aspect chiffré. Elle a beaucoup plus d’effets sur certains secteurs : tout le monde a en tête l’hôtellerie restauration avec ses contraintes devenues trop fortes pour celles et ceux qui ont expérimenté la vie sans ces contraintes pendant le confinement et qui ont choisi de se reconvertir. Dans les emplois saisonniers, le durcissement des conditions d’accès à l’indemnisation 1 de la réforme de l’assurance chômage joue contre le retour à l’emploi. Les emplois de « deuxième ligne » qui devaient être reconnus et revalorisés durant la phase la plus aiguë de la crise sanitaire ne l’ont pas été : nombre de salarié·es ont le sentiment de n’avoir aucune reconnaissance, surtout quand ils ou elles comparent leurs augmentations avec celle des dividendes.2

Tout cela s’accompagne d’une crise du travail salarié visible dans les manques de postes à l’éducation nationale ou à la SNCF, d’une remise en cause potentielle de l’attachement au travail que craignent les employeurs.

Il faut rajouter à ces risques les contradictions de plus en plus aiguës entre les entreprises qui se traduisent par le débauchage des salarié·es et la fragilisation d’une sous traitance pourtant essentielle.

L’État multiplie les contraintes sur les chômeurs, les chômeuses et les précaires pour les obliger à accepter n’importe quel emploi au lieu de revaloriser les emplois et les salaires.

Chômage des femmes – Crédit photo : Rodho

On ne peut donc séparer la lutte pour le pouvoir d’achat des salarié·es en emploi de celle pour celui des chômeurs, des chômeuses, des précaires et des pauvres, et ce, d’autant plus que les réponses de la droite au pouvoir d’achat se traduisent par une mise en cause des cotisations sociales qui financent la solidarité.

Il s’agit ainsi de récréer un front commun des exploité·es sur la question des inégalités pour peser ensemble contre la politique de régression sociale, mais aussi pour éviter de donner un espace au RN sur les populations les plus fragilisées.

Lire la partie 1…
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             Lire la partie 3...

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1 Augmentation de la durée de travail nécessaire pour ouvrir des droits

2 La « pénurie » de chauffeurs de bus scolaires est tout à fait significative d’une organisation du travail qui, pour réduire les coûts, produit de la précarité par des temps partiels contraints faiblement rémunérés. Pourquoi s’inscrire au prix de démarches souvent fastidieuses pour ne rien toucher dans un organisme qui ne retrouve du travail qu’à un chômeur ou une chômeuse sur 3 ou même sur 4 ? Avec obstination,  le non-recours à Pôle Emploi n’est pas l’objet de l’attention que devrait porter PE aux chômeur.euses : nous avons pourtant l’exemple du non recours au RSA (30 % des potentiels ayant droits)